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Le blog de Amani

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Des passages inspirants de la littérature et de la poésie ❤


André Gide - La porte étroite

Ce court roman écrit en 1905, paru en 1909 est le négatif de L’Immoraliste qui célébrait le monde enivré des couleurs, des parfums, du corps humain, une aspiration à la « gloire célestielle ». Dans La Porte étroite, André Gide peint la folie de nier l’appel de la chair dans le récit d’un tragique amour qui se dépoétise pour céder à la vertu. Jérôme et Alissa, l'aînée de ses cousines, se portent un amour si pur qu’ils voient leur paradis reculer au fur et à mesure qu’ils croient l’approcher, alors qu’autour d'eux on y consent. Par amour, Jérôme a beau s’exercer aux plus hautes vertus, chaque jour les exigences mythiques d’Alissa le distancent. L’amour, craignant de se tenir au contact de la réalité, ajourne sans cesse son accomplissement. Dès lors, il n’est plus d’accomplissement qu’en Dieu même. Alissa note dans son Journal : « La route que vous nous enseignez, Seigneur, est une route étroite – étroite à n’y pouvoir marcher deux de front ». Et le récit bascule vers les déchirures intimes entre les protagonistes. De ce combat éternel, Alissa sortira par le renoncement à l'amour et à la vie. Son vœu déchirant sera exaucé.
Histoire d'un sacrifice, de l’adultère, du protestantisme et du puritanisme, ce roman d'apprentissage et de l'abnégation, d’inspiration fortement autobiographique, se présente telle une parabole et rend compte d'une société refoulée dont l’auteur s'attache à dénoncer les failles. Dans ce récit plein de coutures et de raccords secrets, André Gide fait l’étude des concepts éthiques individuels en conflit avec la morale conventionnelle. Esthétique des lambeaux propre à suggérer les blessures les plus intimes et revendiquée dès le préambule, La Porte étroite est d’une tristesse omniprésente, d'abord diffuse puis déchirante, où le renoncement et le sacrifice produisent de tragiques effets. Sous l'apparence d'un grand classicisme, se retrouve la modernité de ce début de siècle : offrant le monde d'une main, le refusant de l'autre, André Gide, plein de paradoxes et de contradictions, inquiet et enivré de bonheur, décrit avec ferveur les chaînes imbriquées de l’éducation, de la religion, de l’hypocrisie sociale, et se débarrasse, grâce à l’écriture, de tous les obstacles à sa propre réalisation. Chantre du dépouillement et du désir à la fois, La Porte étroite, œuvre lucide et fiévreuse, est aussi complexe et fuyante que les sentiments de l’auteur, puritain sensuel, écartelé par des extrêmes qui prennent corps en lui.

                                                                                                                                                                                  Pascale Arguedas
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